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L'impossible difficulté

  • par Sophie de Heaulme
  • 15 août, 2021

Poème issu des rencontres, au delà de la clinique...

L’impossible difficulté

27.07.07

 

« Je suis à la lisière d’une impossible difficulté. »

 

Je le regarde,

Il est mou, évasif, les yeux dans le lointain.

Puis il me lance une œillade maligne,

Bleu lumineux, encore qu’un peu hagarde,

Je ne dis rien,

Je crois que j’ai compris :

Il me dit que maintenant pour lui tout est joué.

 

Les mots se trainent, vacillent, veulent dire mais ne disent pas.

J’écoute ce qui ne peut se comprendre,

Je ne peux qu’essayer d’entendre,

Le son, l’émotion, même si elle est multiple,

La syntaxe qui ripe,

Impossible de la mettre au pas.

 

C’est l’insistance parfois qui connote,

Arrive comme une vague que je ne désire pas entendre,

Me pousse contre le mur comme une note,

Immobilisante,

Enivrante.

 

Où es-tu ?

Comment vais-je te trouver ?

Tu es là de biais,

Je suis dépassée.

Je dis « oui »

Pour t’encourager,

Avant je répétais,

Mais c’est insultant de répéter des inepties.

Alors mon silence et mes yeux insistants

Eux aussi, maintenant,

Portent avec toi cette maudite partition.

 

J’apprends à ne plus désirer.

C’est ce qui fait que je tiens.

Je ne peux désirer à ta place

Le monde, les amis, les souvenirs :

Je fais avec toi le constat.

Mais on est toujours en vie,

Et c’est là que blesse le bât.

 

Tu étais conservateur au Muséum d’Histoire Naturelle,

Tu aimes la pensée stricte et rigoureuse.

Tes mains racontent

Et la phrase peu soigneuse,

Et les pensées réelles,

Qui se sont fait la belle,

Enfin ce que tu voudrais en dire,

De cette difficulté impossible.

 

Et si je te prenais à la lettre ?

Et si une difficulté pouvait réellement être impossible ?

Retournons le verre :

Une difficulté

Pourrait-elle

Etre désirée ?

 

Mais alors que serait-elle… ?

Et peut-on encore se rajouter des problèmes

Quand on en a autant que toi,

En ribambelle ?

 

Je tais mes hypothèses,

J’écoute les indices foireux

Que tu me donnes à grand peine,

Ton jeu de mots perpétuel

Sur les mots qui sont laids,

Ce qui te permet

De disserter sur les mollets,

Et pas ceux de ta femme…

Ton regard étroit quand tu sens que tu vas te casser la figure,

Ton teint blafard

Sous la peinture.

 

Soudain j’ai l’impression de me réveiller

Est-ce l’accumulation de mon impuissance

Ou ta ténacité ?

J’ai peur de voir le sens

De tes mots enfiévrés

Tellement je ne les attendais plus,

Tellement c’était foutu.

Je tente une démonstration

En te prévenant

De ta probable déception,

Bonant malant.

Je te demande, faussement assurée,

Si par hasard tu n’es pas en train de dire

Qu’au bord de ton vacillant navire,

Tu aimerais bien, la difficulté,

Du doigt la toucher,

La palper, la sentir, l’interviewer,

Comme quand tu étais chercheur,

Comme quand les énigmes de la nature te propulsaient

Au septième ciel,

Avant que tu ne sois pleureur

Devant la faillite, toi qui étais :

Un découvreur.

 

Alors tu me regardes,

Simplement,

Communément,

Et d’une voix de tous les jours,

Tu me dis « oui, c’est ça. »

Un quart de seconde pour se trouver, se rencontrer enfin,

Puis ton regard repart

Au lointain

Et les mots décousus reprennent leur tour.

 

A bientôt… ?

 

 

…………

 

par Sophie de Heaulme 15 août, 2021
Poème issu des rencontres humaines et révélant la richesse, la lumière qui se produit quand les obstacles des troubles du langage et de la mémoire sont dépassés.
par Sophie de Heaulme 15 août, 2021
Un texte sur la mort et les morts depuis la pandémie, la crise sanitaire, la Covid. Une réflexion sur les deuils difficiles à faire, les expériences de traumatismes individuels et collectifs, la difficulté à échanger ensemble sur le vécu, pour se reconstruire. Et pourtant les morts semblent "refleurir" par une rose qui ne veut pas s'éteindre, par des travaux d'étudiants, par le besoin inaliénable de parler la mort pour créer le vivant.
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